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Lettre ouverte à Dominique de Villepin Paris, le 7 août 2006

Publié le lundi 7 août 2006.


Monsieur le Premier ministre,

Je souhaite attirer votre attention sur les conditions très difficiles dans lesquelles est mise en œuvre la circulaire du 13 juin qui concerne un certain nombre d’enfants en situation irrégulière. Ceci est particulièrement sensible en Ile-de-France, mais aussi dans quelques autres régions.

Cette lettre n’a pas pour objet de revenir sur la question de fond. La politique conduite par le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire se voulait « ferme et juste ». Elle est brutale et autoritaire.

Elle se trompe de cible et mobilise les mauvais outils. Une véritable politique de lutte contre l’immigration clandestine doit s’attaquer aux vrais responsables : les passeurs, les logeurs, les employeurs de clandestins qui prospèrent impunément tandis que leurs victimes, elles, sont seules poursuivies. De surcroît, le ministre de l’Intérieur a annoncé à l’avance le nombre de régularisations susceptibles d’intervenir. Il me semble qu’il y a là quelque contradiction avec l’engagement du gouvernement d’examiner les dossiers individuellement et de ne prendre de décision qu’au vu de chaque situation particulière. La motivation de ce courrier est autre.

Elle touche aux délais imposés qui sont impossibles à respecter. Outre que l’interprétation de la circulaire diffère selon les préfectures au mépris de l’égalité républicaine, on constate qu’il y aura beaucoup plus de demandes qu’il n’en était attendu. Les annonces officielles prévoyaient le dépôt de 20000 dossiers. Il y en aura très probablement beaucoup plus ; les associations, présentes aux côtés des enfants et de leurs parents, avancent des chiffres allant jusqu’à 40000 cas. Aussi n’est-il pas surprenant de constater que les services préfectoraux sont engorgés.

Il suffit de se rendre sur place pour le vérifier. Quoi que l’on pense de la procédure adoptée, il serait difficilement acceptable que tous les étrangers qui le souhaitent ne puissent effectivement déposer un dossier en préfecture, comme il serait inadmissible que chaque dossier ne puisse bénéficier d’une instruction circonstanciée. Le destin de familles entières est suspendu aux décisions de régularisation à venir.

Le destin de milliers d’enfants est en cause. Quelle que soit la dureté des lois de la République, personne ne peut accepter que ces enfants soient victimes de la précipitation actuelle, fille d’une improvisation condamnable. C’est pourquoi, je vous demande de reporter d’un mois la date de limite de dépôt des demandes de régularisation qui a été fixée au 13 août afin de donner aux services le temps nécessaire à un traitement digne des dossiers à instruire.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma sincère considération.

Dominique Strauss-Kahn