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L’objectif doit être l’augmentation significative de la majorité des salariés

Publié le samedi 12 mars 2005.


La proposition que devrait faire le gouvernement de relever de 1 % le salaire des fonctionnaires vous parait-elle répondre à la mobilisation de jeudi ?

Il faut sortir d’une vision idéologique, d’une gestion comptable et d’un traitement arrogant de la fonction publique. Tout bouge : les besoins des Français, les missions de l’Etat, la pyramide des âges de la fonction publique, les moyens technologiques. Il faut redéfinir les besoins et les missions et, dans ce cadre, négocier le nombre de fonctionnaires et les salaires. Mais aujourd’hui, je le dis, les fonctionnaires, dans notre pays, sont mal payés. Le fait que le gouvernement veuille ouvrir une négociation sur les salaires ne peut qu’aller dans le bon sens, s’il est décidé à garder une vraie fonction publique. Ce dont je doute.

Vous avez proposé un " Grenelle des revenus ", c’est-à-dire, comme en mai 1968, une négociation nationale sur les salaires. Le Medef la réfute en arguant de l’hétérogénéité des entreprises.

Comme si, dans le passé, les entreprises n’étaient pas hétérogènes ! Il y a besoin, compte tenu de l’urgence, mais aussi, compte tenu du rapport de forces dans le capitalisme d’aujourd’hui, d’une impulsion nationale.

D’où la nécessité de négociations nationales et interprofessionnelles - même si, évidemment, elles ne peuvent pas tout régler. Tout doit être négocié, comme cela se fait dans toutes les grandes social-démocraties. L’objectif : l’augmentation très significative des revenus de l’immense majorité des salariés.

Mais n’est-ce pas difficile à mettre en œuvre dans une période de faible croissance ?

Evidemment ! Mais c’est précisément parce que la croissance est faible que c’est encore plus nécessaire. C’est en changeant de logique que nous enclencherons à nouveau une dynamique positive.

C’est en fixant cet objectif d’augmentation des revenus que nous redonnerons la confiance dans l’avenir. C’est en recréant la confiance que nous relancerons la consommation. Et c’est en relançant la consommation que nous ferons repartir l’investissement et la croissance !

Car il est insupportable de voir ce gouvernement faire comme si son seul pouvoir était de constater la croissance - comme on regarde tomber la neige. Il faut agir car il n’y a aucune fatalité à ce que la zone euro, et la France au premier rang, soit le seul endroit de la planète dans lequel la croissance est faible et molle. Le PS a-t-il pour autant de vraies solutions de rechange ?

Je suis de ceux qui pensent que le Parti socialiste doit être à la hauteur de l’exigence de changement qui souffle dans le pays. Je n’ai pas le réformisme honteux. Le socialisme moderne n’est ni l’adaptation au marché cher aux libéraux ni le renoncement à des propositions alternatives d’une gauche contestatrice.

Le réformisme que nous sommes en train de bâtir, au travers du projet du PS que j’anime avec Martine Aubry et Jack Lang, se propose d’être un nouveau chemin pour la gauche. Prenons l’exemple des délocalisations. Je proposerais, à court terme, d’injecter temporairement des fonds publics pour aider les entreprises à passer un cap difficile, ce que l’on peut appeler, avec un clin d’œil, les nationalisations temporaires. Nous voulons aussi contraindre lesdites entreprises à payer la taxe professionnelle plusieurs années après leur départ.

Faute d’autre débouché politique, ne craignez-vous pas que la contestation alimente le " non " au référendum ?

Le débouché politique en France, c’est en 2007. Le débouché de l’Europe, c’est aujourd’hui. On peut à la fois combattre la droite, rassembler la gauche et voter pour l’avancée européenne. C’est même nécessaire à une alternative réussie.

Entretien avec Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d’Oise, ancien ministre de l’économie, Le Monde, 12 mars 2005. Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué