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A propos du projet PS

La remise en ordre du pays demandera des efforts

Publié le lundi 26 juin 2006.


Entretien accordé par Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d’Oise, paru dans le quotidien Les Échos daté du 27 juin 2006. Propos recueillis par Françoise Fressoz, Elsa Freyssinet et Jean-Francis Pecresse

François Hollande chiffre le projet du PS à 35 milliards d’euros, Jean-François Copé à 115 milliards et vous à 50 milliards… Qui croire ?

J’ai dit dès le départ que je serais très attentif au chiffrage car je veux dire la vérité aux Français. C’est aujourd’hui mon seul mot d’ordre : la vérité. On ne plaisante ni avec les équilibres budgétaires ni avec l’éthique politique. Les estimations faites par Thierry Breton et Jean-François Copé sont totalement fantaisistes – c’est à l’image de leur prévisions de croissance ou de déficits. Je ne laisserais pas dénaturer le projet du PS mais je n’accepterai pas non plus qu’on sous-estime son coût. Je maintiens ce que j’ai dit : en année pleine lorsque toutes les mesures seront appliquées et montées en charge, c’est-à-dire en 2012, la charge sera de 50 milliards.

Arriverez-vous à couvrir toutes les dépenses envisagées ?

Il n’est pas question de creuser le déficit mais au contraire de le réduire. Dans ces conditions, toutes les dépenses devront être couvertes par les recettes. La majeure partie, plus de 50 % devra venir de la croissance - le reste de mesures nouvelles - comme une taxe sur les activités polluantes ou sur le kérozène - ou de la remise en cause de baisses d’impôt sur le revenu décidées par la droite.

Supprimerez-vous toutes les baisses survenues depuis 2002 ?

Le projet du PS ne le précise pas mais je pense qu’il ne faut annuler que les réductions survenues depuis 2002 sur les tranches supérieures : il faut revenir sur les réductions en faveur des plus aisés - injustes, elles n’ont eu pour effet que d’accroître leur taux d’épargne - et non celles des classes moyennes.

En matière de finances publiques, visez-vous l’équilibre en 2010, comme Dominique de Villepin ?

Cette promesse est risible au regard du bilan de la droite en la matière : une hausse de notre endettement public sans précédent - représentant 8 points de PIB - et un déficit qui ne baisse que par les artifices comptables les plus scandaleux de l’histoire de la république - ce n’est pas moi qui le dit, c’est le premier président de la Cour des comptes Philippe Séguin. Stabiliser la dette sera déjà un beau résultat.

Augmenter les impôts, n’est-ce pas contreproductif en terme de croissance ?

Il faut savoir ce que l’on veut. Nous avons aujourd’hui deux priorités à financer : les investissements dans l’avenir avec la recherche, l’enseignement supérieur et l’innovation et la promotion de ce que j’appelle " l’égalité réelle " par le système éducatif et la mise en place d’un service public de la petite enfance. La responsabilité de la gauche est de dire la vérité aux Français : la remise en ordre du pays demandera des efforts. Le pays est prêt à entendre ce message de responsabilité s’il a le sentiment que ce que nous proposons est juste et permettra d’améliorer les perspectives d’avenir.

Quel niveau de croissance faut-il viser pour financer le projet ?

Nous sommes aujourd’hui sous la menace immédiate d’un déclassement de notre pays. Au rythme actuel, le revenu moyen des Français ne sera plus dans le groupe de tête dans dix ans. Nous pouvons et nous devons obtenir au moins 2,5 % par an. Mais il ne faut pas seulement fixer un objectif : pour l’atteindre, il ne faut pas se tromper de diagnostic. Je le dis à la gauche : il faut bien sûr soutenir la demande, comme nous l’avons fait en 1997 notamment pour les petits revenus, mais le gros effort doit porter sur l’investissement pour moderniser notre appareil productif.

Est-ce pour cette raison que vous n’êtes pas favorable au calcul des cotisations patronales sur la valeur ajoutée, promis par le PS ?

Je n’y ai jamais été très favorable. Je le suis encore moins aujourd’hui car cela risque de pénaliser l’investissement.

Quand vous entendez Laurent Fabius promettre 6 % de hausse du Smic dès 2007, trouvez-vous que c’est adapté à la conjoncture ?

En la matière, il faut toujours combiner le souci de la justice sociale et l’efficacité économique. Quand Lionel Jospin est arrivé à Matignon en 1997, il a pris la décision d’augmenter significativement le SMIC, mais pas autant que certains le réclamaient. C’est, entre autres, grâce à ce signal équilibré que nous avons réussi à rétablir la confiance. Aujourd’hui, notre option est celle d’une large conférence sur les revenus avec les partenaires sociaux très vite après l’a présidentielle. C’est dans ce cadre que la question de la hausse du SMIC doit être posée.

Mais on connaît déjà le résultat : le SMIC à 1.500 euros bruts… ?

Oui, c’est l’objectif à atteindre avant la fin de la législature.

Vous revendiquez la liberté de faire un tri parmi les promesses du PS. Faisons-le ensemble. L’abrogation de la loi Fillon sur les retraites : pour ou contre ?

S’il s’agit d’abroger d’un trait de plume la loi Fillon pour en revenir à la situation d’avant, c’est non : nous sommes loin d’avoir réglé le problème des retraites. Les Français le savent et c’est une des raisons pour lesquelles ils n’ont pas confiance en l’avenir. S’il s’agit de reprendre cette question pour la traiter dans un esprit de justice et de prendre en compte la pénibilité du travail - il y a des métiers où l’on mérite de partir plus tôt -, c’est oui.

La renationalisation d’EDF ?

Cela ne me paraît pas le plus urgent au regard de nos vraies priorités : l’éducation, la santé, le logement, la recherche. Je note, d’ailleurs, que les socialistes ne disent plus que cela se fera par la dépense budgétaire. Sur les entreprises publiques, pour moi, la doctrine est claire : Il n’y a aucune raison d’ouvrir le capital, sauf lorsque l’intérêt de l’entreprise, de ses salariés, des consommateurs, l’intérêt collectif donc, l’impose. Par exemple, quand il y a un projet industriel qui suppose une alliance avec un autre groupe et donc un échange de titres