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En finir avec les guettos scolaires

Contribution de Bernard Soulange
Publié le lundi 21 août 2006.


EN FINIR AVEC LES GHETTOS SCOLAIRES : ARTICULER CARTE SCOLAIRE ET ZEP AUTOUR DE PROJETS DE REUSSITE POUR TOUS

Malgré la carte scolaire et la politique des ZEP, dans des secteurs entiers, les plus défavorisés, le modèle scolaire républicain est en échec. La carte scolaire, affectation des élèves en fonction de leur lieu d’habitation, devait permettre une gestion satisfaisante car équitable des moyens et la mixité sociale dans les établissements. Cette mixité, toutes les études le montrent, est facteur de réussite pour tous ! Quelle que soit la catégorie sociale des parents, la réussite est toujours plus forte s’il y a diversité que s’il y a homogénéité. Nous devons donc la maintenir. Elle correspond à notre vision de la société. Elle est aussi un élément essentiel, une condition sine qua non, de l’égalité du droit à la réussite scolaire.

Les inégalités sont aussi territoriales. Des zones entières, pas seulement urbaines, sont défavorisées. Les inégalités sociales produisent les inégalités scolaires. Pour ces raisons, la gauche amis en place les Zones d’Education Prioritaires, pour donner plus de moyens là où les difficultés sont les plus grandes, pour développer des projets spécifiques.

Force est de constater que ce modèle échoue ou,pour le moins, peine à atteindre ses objectifs. La course contre les ghettos scolaires, aspects essentiels du ghetto social, urbain, culturel, … est en passe d’être perdue.

Ecoles et collèges sont des équipements de proximité, implantés dans les quartiers. Dés lors, la fragilisation sociale de secteurs entiers a un impact direct sur l’Ecole. Mais une analyse plus fine montre que, dans les zones en difficulté, la structure sociale des familles des élèves fréquentant l’école ou le collège de secteur est plus fragile que celle du quartier. La crise du logement provoque un vieillissement des populations sans mobilité. Les jeunes qui ont des enfants en âge scolaire sont souvent dans des situations plus fragiles que leurs aînés. Pour ceux, plus favorisés, qui ont le choix, les écoles, collèges et lycées de secteur sont un élément déterminant de la décision du choix du lieu d’habitation. Mais surtout, quand l’ensemble se fragilise, les moins en difficulté, voire ceux qui sont en situation d’ascension sociale, ont pour priorité de « mettre les enfants ailleurs ». Il nous faut prendre en compte cette volonté légitime des familles.

Le discours sur l’intérêt général, le respect de la règle est d’autant plus inadapté qu’il s’affronte, de fait, à une injustice flagrante, palpable. La carte scolaire, le respect du secteur, ne s’imposent pas à tous ! Les « taux de fuite » sont très différents d’une catégorie sociale à l’autre.

Devant cette situation, la droite ne propose que l’école à 2 vitesses, la fin de la carte scolaire ou le développement de l’enseignement privé. Les socialistes ne peuvent ni se résigner à ce onstat, ni accepter ces fausses solutions. Si l’instrument connaît des défaillances, et est ouvent mal accepté, il n’en est pas moins irremplaçable. A l’école plus encore qu’ailleurs, la mixité n’est pas qu’un but en soi, c’est aussi l’outil primordial de construction de la société que nous voulons. Nous devons défendre la sectorisation comme moyen essentiel de l’égalité républicaine. Mais pour cela, nous devons le transformer.

Tenir compte des demandes des familles tout en recherchant prioritairement la mixité sociale est possible, mais demande imagination, volontarisme et mobilisation de moyens supplémentaires.

La politique des ZEP ou REP ne permet pas de corriger les inégalités : - La paupérisation de quartiers entiers. L’échec économique et social total de la droite est encore plus fort dans ces zones, l’Ecole en est aussi la victime. - Malgré les affichages politiques, les ZEP n’ont pas toujours été la priorité, ni de l’Etat, nides collectivités locales. - La reconnaissance de la spécificité du métier d’enseignant dans ces zones n’est passuffisante et ne fait pas l’objet d’une politiquevolontariste de l’Education nationale. - Les moyens ZEP ne sont pas toujours alloués en fonction deprojets bien définis et la continuité dans le temps n’est pas toujours assurée.

L’Ecole est en train de perdre la bataille contre le ghetto. Les politiques mises en oeuvre, si elles ne luttent pas prioritairement contre ce mouvement, ne peuvent qu’en atténuer, pour un temps seulement, les conséquences. Les socialistes ne peuvent s’y résigner. Nous devons proposer des solutions qui permettent d’atteindre cette égalité des droits à la réussite que nous défendons .

Aider les élèves les plus en difficulté, c’est d’abord tout faire pour maintenir ou recréer la mixité sociale, la continuité scolaire (plus que l’hétérogénéité). C’est ensuite soutenir les actions spécifiques d’aide et de soutien inscrites dans des projets pédagogiques et éducatifs globaux, bénéficiant, alors, de moyens supplémentaires. C’est enfin assurer des voies de réussite à la sortie de ces établissements. Maintenir ou recréer la mixité sociale : La carte scolaire dépend pour une large part des collectivités locales. Elles doivent s’en saisir. La définition des secteurs de recrutement doit être revue et pensée dans un cadre différent, avec des secteurs plus larges quitte à ce qu’un secteur bénéficie de plusieurs équipements auxquels il faudra fixer des objectifs de cohésion de l’ensemble. Les mouvements démographiques créent des opportunités, voire des nécessités, d’apporter les modifications nécessaires. Cette redéfinition doit intégrer une politique d’implantation des options (langues, classes à horaires aménagés, sportives, européennes, , musicales, découvertes scientifiques et techniques ….) qui permette aux enfants de chaque secteur d’avoir accès à des pôles de réussite.

Les filières d’excellence sont réservées aux établissements accueillant les populations les plus favorisées. Elles sont utilisées pour contourner la sectorisation et conduisent à affaiblir les autres écoles, collèges ou lycées. C’est inacceptable, nous devons le dire et les combattre. Les écoles maternelles sont beaucoup moins touchées par les phénomènes d’évitement, mais sont souvent considérées comme un mode de garde sans frais. La faiblesse des taux d’encadrement les cantonne d’ailleurs bien souvent dans ce rôle. En ZEP tout particulièrement, alors que, là plus qu’ailleurs, elles constituent le premier lieu de socialisation de l’enfant. Les petites sections devraient être repensées comme des classes passerelles et donner lieu à un encadrement plus important de la part de professionnels de la petite enfance. A partir de là nous devrons afficher plus fortement la structuration en cycle, ce qui au-delà de la cohérence permettrait de lier l’école maternelle à l’école élémentaire. La primarisation peut-être un outil au service du projet pour contrecarrer l’évitement scolaire. Cela étant il convient, là aussi, de faire preuve d’imagination en fonction de l’urgence de la réalité de terrain. En milieu urbain, il n’est pas rare qu’une école ghetto soit implantée à quelques rues d’une école hétérogène : afin de mixer les publics nous pouvons envisager de fusionner ces écoles tout en séparant géographiquement les cycles. Là encore élargir les zones de recrutement est à la base d’un nouveau souffle de projets. Soutenir les actions spécifiques d’aide et de soutien : La politique initiée avec la mise en place des ZEP doit être renforcée et diversifiée. Le renforcement passe, bien sûr, par des moyens supplémentaires (taux d’encadrement).

Cette politique volontariste aura un coût. Mais nous devrons l’assumer et l’afficher comme une priorité réelle. La définition des ZEP est à revoir. Ces zones doivent être plus restreintes, en nombre et en superficie. Le diagnostic doit concerner la population scolaire fréquentant effectivement les établissements du secteur. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de saupoudrage. Nous devons concentrer les efforts et nous fixer des objectifs en terme d’effectifs par classe et par équipement.

Dans ces établissements, et à condition que soient proscrites les classes de niveau, fixons le seuil maximal à 15 élèves par classe. Fixons aussi une taille maximale par établissement. Aucun collège de ZEP ne doit scolariser plus de 500 élèves ! Nous devons renforcer les équipes de vie scolaire. L’accent doit être mis sur les objectifs éducatifs. Nous savons que les aspects éducatifs sont indissociables de la réussite scolaire, de la lutte contre les inégalités et de la construction de la société que nous voulons. La Droite a détruit l’essentiel de ce secteur. L’essentiel de la casse de notre modèle scolaire, depuis 4 ans, est passé par là. Nous devrons reconstruire. Par exemple, disons dés aujourd’hui que nous réinventerons un statut d’étudiant-surveillant, mieux adapté à la réalité des études supérieures d’aujourd’hui, mais permettant de faciliter le lien entre éducatif et pédagogique. Un statut qui réponde aussi à la demande d’étudiants intéressés par le monde de l’éducation et cherchant une activité rémunérée permettant la poursuite de leurs études. Parce que la famille a changé. Parce que le travail s’est éloigné. Parce que les temps de transport augmentent, partout la nécessité d’un encadrement, d’une aide aux devoirs, de l’apport de méthodes est avérée.

Elle est d’autant plus forte dans les quartiers en difficulté. Ce retour des étudiants-surveillants, sur des missions redéfinies, est un moyen de l’égalité des chances. Enfin, ces moyens doivent être ciblés sur des projets précis, en appui à des équipes clairement identifiées sur des projets qui s’inscrivent dans le temps. A des projets pluriannuels doivent correspondre des moyens pluriannuels, y compris par la stabilisation des équipes. La gauche a apporté l’essentiel de la démarche de projet dans l’éducation. Aujourd’hui, elle doit aller plus loin et apporter des marges de différenciation en fonction des projets, y compris dans la définition du temps de travail par exemple.

L’investissement personnel dans un projet doit être valorisé dans le déroulement de carrière. La diversification, c’est enfin essayer de répondre aux besoins de chaque élève de ces secteurs. Il faut en finir avec une urgence qui a fait concentrer tous les moyens sur les élèves les plus en difficultés. Les autres aussi ont des attentes et leur maintien dans l’établissement est la meilleure aide apportée à tous. Bien sûr l’aide à ceux qui connaissent le plus de difficultés doit être maintenue, voire amplifiée. Mais nous devons mettre en application notre volonté de « mettre l’élève au centre du système ». A l’intérieur d’une zone prioritaire, chaque élève doit être une priorité ! Même celui qui connaît le moins de difficultés. A ceux-là, on doit pouvoir offrir « autre chose », d’où la politique des options évoquée plus haut. Il faudra toutefois veiller à ce que ces options ne se transforment pas en filières de réussite, remettant ainsi en cause la mixité recherchée par ailleurs. Ainsi le respect de la carte scolaire apportera un plus à tous les élèves.

Assurer les voies de réussite : le système scolaire est loin de représenter l’ensemble du parcours de réussite, notamment dans l’accès à l’emploi. L’un des aspects des inégalités territoriales, c’est aussi l’absence de réseaux permettant une insertion réussie dans les études supérieures ou l’accès à l’emploi. C’est aussi, parfois, une véritable ségrégation géographique où le quartier peut compter autant que l’origine. Les expériences menées par telle ou telle grande école ne peuvent tenir lieu de politique. Nous devons imaginer des dispositifs palliant à ces manques. Dans les processus de suivi de l’orientation ou de l’intégration au marché de l’emploi, c’est bien aussi une politique d’aide prioritaire, d‘accompagnement qui doit être menée. A la réussite individuelle de quelques-uns, admis dans quelques écoles prestigieuses, nous devons opposer l’implantation, dans les établissements dont dépendent les élèves de ZEP, de classes préparatoires, de classes post-bac, ….

L’Ecole connaît des difficultés d’autant plus fortes que les outils mis en place pour assurer le droit à la réussite pour tous sont mal vécus ou mal adaptés. Par manque d’ambitions et de moyens, la carte scolaire concourt finalement à accentuer les inégalités et participe à la création des ghettos. La politique des ZEP ne parvient pas à inverser ce mouvement. La Droite libérale accepte cette réalité comme une fatalité et privilégie les solutions individuelles. Pour les socialistes cet abandon reviendrait à renoncer à toute ambition en matière scolaire, à renoncer à la mise en place d’une véritable Ecole pour tous, assurant le droit à la réussite pour chacun. Nous devons affirmer que la solution passe par une redéfinition des cartes scolaires, la construction de secteurs plus vastes et divers qui permettront l’existence de pôles d’excellence, partout et pour tous. Dans ce cadre, les ZEP doivent être mieux définies, bénéficier d’une mobilisation plus forte des moyens permettant de répondre aux attentes de chaque élève. Alors, la mixité sociale, acceptée, pourra servir de levier pour la réussite de tous.

La discrimination positive que nous devons construire ne peut être que territoriale. Elle doit aussi rechercher les solidarités locales en s’appuyant sur la mixité sociale. La solution ne peut être que collective. La voie individuelle est celle de l’acceptation de l’inacceptable.


L’école : un instrument de lutte contre les inégalités